Stress et Assimilation

Article de Michèle Théron

 

Notre physiologie est sous dépendance de nos émotions. Nos symptômes traduisent le plus souvent une difficulté à intégrer les événements de la vie. Pour faire face au stress, une bonne hygiène de vie, qui inclut une clarification émotionnelle, est indispensable.

Dès notre naissance, la qualité de notre santé dépend de différentes fonctions physiologiques, dont la fonction alimentaire qui, à travers la digestion et l’excrétion, permet l’assimilation des nutriments utiles à la croissance et l’entretien de l’organisme. Mais il serait trop simple de penser que la totalité de ce que nous absorbons profite à notre corps. Le substrat de ce long processus dépend de la façon dont nous digérons et assimilons, c’est à dire que la qualité et la quantité des nutriments vraiment utilisés sont soumis à d’autres facteurs, à la fois physiologiques, chimiques, et psychologiques.
Une assimilation sous contrôle
L’état de notre psychisme va conditionner la réussite de ce processus de digestion. En effet, la digestion est sous dépendance du système nerveux, en particulier du système nerveux végétatif ou « autonome », système qui fonctionne sans notre volonté. Il est donc directement relié à notre inconscient. Ce système est lui-même fortement influencé par les émotions et le stress. De cette interaction peuvent naître des dysfonctionnements, des troubles psychosomatiques, des symptômes qui, au départ, n’auront pas pour cause majeure la biologie, mais auront une forte incidence sur elle. Car ne pas pouvoir s’adapter aux conditions de stress, c’est mettre en péril notre équilibre physiologique et psychique. Pour cela, il faut comprendre comment le stress sollicite notre organisme.
La réponse au stress se fait au niveau du système hormonal et nerveux, celui-ci étant composé du système volontaire et du système végétatif. Ce dernier est constitué de deux branches, ayant chacune des fonctions distinctes. L’orthosympathique (ou sympathique) est associé à la réponse au danger, au stress, à la dépense d’énergie. Le parasympathique est associé à la détente, la recharge organique, la récupération, la digestion. Le stress constitue un message qui met en jeu une fonction (dépense d’énergie) qui contrarie celle de la digestion (assimilation). En phase de stress aigu, le système sympathique va interrompre les sécrétions digestives, la motilité de l’estomac et de l’intestin est réduite, les muscles sont en constriction, certains sphincters sont fermés, empêchant la vidange gastrique ou provoquant la constipation.

Le stress carence l’organisme

De plus, pour faire face à toutes ces réactions chimiques, l’organisme consomme une grande quantité d’enzymes, de minéraux et l’oligo-éléments, confisquant et sacrifiant ainsi des substances nécessaires à d’autres fonctions. Le stress est un grand acidifiant et producteur de radicaux libres, qui eux aussi « coûtent » en réserves (vitamines C et E, polyphénols, cuivre, zinc, manganèse et sélénium) et peroxydent les lipides. Par voie de conséquence, les membranes cellulaires sont endommagées et n’assurent plus correctement leur fonction d’échange pour une bonne assimilation. La cellule nerveuse est essentiellement entourée de lipides et les réponses au stress n’en seront que plus difficiles encore, un bon équilibre nerveux nécessitant l’apport suffisant d’acides gras polyinsaturés. La muqueuse intestinale devient perméable et n’assure plus son rôle de barrière et de sélection.
C’est le début d’un cercle vicieux : l’organisme carencé va, au mieux, tenter de compenser en envoyant des ordres au cerveau pour recevoir plus de nutriments (donc plus de nourriture), il va s’affaiblir et être moins performant face au stress. Notons que les personnes les plus perméables au stress, et dont les manifestations neurovégétatives et endocriniennes sont les plus perturbatrices, sont celles qui expriment et extériorisent le moins leurs sentiments et émotions. On voit que non seulement le stress aura des répercutions différences d’une personne à l’autre, mais que la gestion des émotions est capitale pour l’équilibre digestif. Les symptômes liés au système digestif vont nous parler de notre difficulté à avaler, à assimiler les expériences de notre vie. « Cela m’est resté sur l’estomac »… Le langage populaire a très bien su mettre en mots le sens de nos souffrances.

Digérer le monde

Si nous suivons la progression du tube digestif, pour commencer regardons ce qui va se passer au niveau de la bouche. En état de stress, nous ne prenons plus le temps de mastiquer. Sans mastication, l’action de la ptyaline au niveau de la bouche ne peut se faire sur les amidons qui seront imparfaitement dégradés et fermenteront dans l’intestin. La plupart du temps, le stress nous fait avaler « n’importe quoi », une nourriture qui vient étouffer des émotions trop fortes ou inconscientes, le plus souvent à base de sucre, fournisseur d’énergie rapide et symbole des saveurs sucrées primales (liquide amniotique et lait maternel). En ne gardant pas assez longtemps les aliments en bouche, les informations subtiles ne peuvent parvenir au cerveau, qui à son tour ne peut analyser et envoyer les bons messages de digestion.
Au niveau de l’estomac, les ruminations, la non acceptation du monde extérieur, la nécessité de « digérer un événement », l’inquiétude, vont créer des troubles allant de l’aérophagie en passant par la hernie hiatale ou l’ulcère, où la sécrétion d’acide chlorhydrique ira jusqu’à attaquer la muqueuse. C’est la solution de l’organisme pour détruire ce qui est extérieur à nous, nourriture ou, symboliquement, événement trop lourd. N’oublions pas que le stress diminue la motricité du tube digestif alors que l’estomac doit malaxer les aliments. Ceux-ci vont donc stagner. L’estomac va tenter de les dissoudre avec une arme efficace : un suc digestif avec une acidité de pH 2.
Le stress diminue l’amplitude de la respiration. Le bol alimentaire est moins bien oxygéné, ce qui empêche l’oxydation des aliments, autre façon de débuter la dégradation. Le diaphragme, tendu et peu mobile, ne va plus masser les organes sécréteurs (pancréas, vésicule biliaire) qui seront de moins en moins stimulés mécaniquement.
D’un côté, la rate et le pancréas vont nous parler de notre rapport au passé, à la douceur, au plaisir , aux règles et aux normes. Le sucre, géré par ces organes, évoque le besoin de reconnaissance, la récompense lorsque, enfant, nous étions « sages » et « conformes ».
De l’autre côté, le foie et la vésicule biliaire, sont associés le plus souvent à une émotion comme la colère. Celle-ci va bloquer la fonction hépatique, provoquer des symptômes tels hémorroïdes, migraines, spasmes de la vésicule, engorgement de la veine porte et donc difficultés de circulation de retour. Les colères rentrées vont densifier l’énergie, risquant de créer kystes, boues ou calculs biliaires, cirrhoses, cancers. « Je me fais de la bile », traduit bien notre inquiétude qui va se loger à ce niveau-là. Le foie est un élément clé dans la réponse au stress. Le glycogène
stocké dans le foie est libéré afin de produire rapidement de l’énergie, ainsi la glycémie peut devenir instable et entraîner des compulsions alimentaires pour compenser les sensations d’hypoglycémie. Déréglée, la fonction hépatique peut provoquer un désordre du métabolisme des lipides (triglycérides, cholestérol) ou du métabolisme des hormones métabolisées dans le foie, entraînant à son tour des troubles ovariens ou gynécologiques.

Trier le bon et le mauvais

Au niveau de l’intestin grêle, l’organisme va faire le tri entre l’assimilable et le non-assimilable. Est-ce que dans mon rapport à la vie, je sais garder ce qui est bon pour moi ? Est-ce que je sais faire des choix, trier, sélectionner ? Est-ce que j’accepte de laisser partir ce qui ne me nourrit pas ?
Et enfin, au niveau du colon, grand éboueur de notre organisme, va se conclure le processus d’assimilation. C’est ici que le non-assimilable est évacué. Mais ai-je assez conscience de ce que je ne peux pas assimiler, suis-je capable de lâcher, d’abandonner, d’être en sécurité ? Il faut pouvoir comprendre que ce qui sera lâché sera à nouveau remplacé si besoin, à condition d’avoir confiance. Si mes croyances s’opposent à cette confiance, s’il y a peur de manquer ou de se tromper, l’évacuation des matières et des expériences sera difficile, occasionnant des fermentations. C’est au niveau du colon que s’impriment de gros conflits manifestés par des pathologies comme la maladie de Crohn, la recto-colite hémorragique, l’inflammation des diverticules, etc. Le colon est l’endroit où les émotions non exprimées et non conscientes de l’enfance pouvaient se manifester. « Maman, j’ai mal au ventre », symbolisait tout ce que l’on vivait sans le comprendre.
L’impact du stress au niveau du gros intestin a un rôle majeur : il modifie considérablement la flore intestinale, cette flore dont les « bonnes » bactéries font aussi un merveilleux travail : digestion du lactose, meilleure assimilation des acides aminés essentiels, synthèse de nombreuses vitamines (K, B12, B9, H, B2, B5), inhibition de l’adhérence épithéliale de bactéries pathogènes, réduction de l’absorption de substances toxiques (ammoniac, amines et indoles), développement de la muqueuse intestinale, cette barrière naturelle entre notre intérieur et l’extérieur. 
A chaque niveau du tube digestif, le stress laisse son impact. A chacun d’être à l’écoute de ses symptômes, en lien direct avec les événements de sa vie, et de savoir au mieux diminuer l’impact du stress. Pour maintenir une assimilation optimum et être moins perméable au stress, quelques règles d’hygiène s’imposent.

  1. La qualité de l’alimentation : biologique elle est plus riche en nutriments et exempte de produits toxiques (engrais, pesticides, etc.). Crue, elle va apporter des enzymes, indispensables au catabolisme, et économiser nos enzymes endogènes. Les aliments à index glycémique faible vont réguler la glycémie et permettre d’être plus stable face au stress, comme les « bonnes huiles » bio, de première pression à froid, source d’oméga 3 (colza). Tout ce qui entre dans notre corps nous construit, tant au niveau physiologique que psychique. Il a été démontré que le stress d’un animal est gardé en mémoire dans sa chair. Ainsi, nous pouvons hélas « manger du stress ».
  2. La mastication : sans insalivation et sans broyage préalable des aliments, le corps n’a pas accès à la totalité des nutriments et nous mettons notre estomac en « détresse », nous ajoutons du stress au stress. Au lieu de prendre des compléments alimentaires, cherchons plutôt à obtenir une meilleure biodisponibilité de ce que nous avalons. La mastication entraîne la satiété qui est source de plaisir. Et le plaisir n’est-t-il pas une belle anti-dote au stress ?
  3. Le stress entraîne une dystonie neuro-végétative que l’on pourra réguler par des oligo-éléments : manganèse-cobalt (Mn-Co), des biothérapies : glauconie D8 en lithothérapie , ficus carica, Bg, MG 1D en gemmothérapie pour agir sur la sphère nerveuse et gastrique. Ceci n’est qu’une trame à adapter en consultation avec un thérapeute.
  4. Et bien sûr, mettons en place une hygiène comportementale, en trouvant le temps de pratiquer relaxation, respiration, méditation, sport de détente et en ayant un bon sommeil réparateur.

Enfin, pour cesser d’être en vigilance permanente, il est nécessaire de changer notre vision du monde. C’est le début d’un questionnement intérieur : quel est mon système d’assimilation, qu’est-ce que je sais assimiler ou pas, quelle est ma manière d’aimer ? Car aimer, c’est prendre, c’est assimiler la vie et les être humains en acceptant l’altérité.

Michèle Théron
Praticienne de Santé Naturopathe
Thérapeute psycho-corporelle

Ce lien psychosomatique à mis du temps avant de voir le jour dans le monde de la santé. Pour arriver à cette évidence, il a d’abord fallu au 19e siècle les premières observations de François Magendie qui étudia la physiologie du système nerveux, puis de Harvey Cushing qui mis en évidence l’origine nerveuse de l’ulcère de l’estomac, et de René Leriche qui décela une cause nerveuse à l’origine de nombreuses lésions organiques, de désordres vasculaires, de la douleur et des spasmes, par simple irritation du système nerveux sympathique. Il faut bien sûr citer Walter Cannon, père de l’homéostasie, qui s’intéressa aux troubles fonctionnels déclenchés par la régulation du système nerveux face aux émotions, et Ivan Pavlov, qui très tôt consacra ses recherches aux fonctions digestives et à l’importance de la répétition des stimuli dans le comportement des individus.
Enfin, au 20e siècle, Hans Selye étudie les réactions de l’organisme face aux nuisances de la société moderne, Reilly révèle le syndrome d’irritation du système nerveux sympathique, établissant que toute irritation violente des fibres sympathiques pouvait entraîner une « explosion vasculaire », allant de la simple congestion aux hémorragies et conduisant à l’apparition de lésions graves de divers organes, l’intestin, le foie, les reins. Il démontre ainsi l’importance de l’innervation viscérale, et préconise, non pas de renforcer les défenses de l’organisme (déjà fortement mises à contribution par le système sympathique), mais au contraire de les interrompre transitoirement (hibernation artificielle). Il faut bien sûr évoquer Henri Laborit et ses travaux sur le système nerveux végétatif qui l’amèneront à dire que la pathologie est le résultat de la mise en jeu d’un système de défense face aux événements de notre existence. C’est ainsi que l’impact du stress sur la santé a pu être reconnu.

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